42 Lausanne, le code à portée de toutes et tous

42 Lausanne est une école d’informatique gratuite. Le concept est né à Paris, en 2013, par la volonté de l’entrepreneur Xavier Niel. Ouvert en juillet 2021, le campus lausannois a déjà trouvé la quasi-totalité de ses mécènes…et de ses élèves.

Les écoles 42 ont été créées avec un objectif principal, répondre à la pénurie de main d’oeuvre dans le domaine de la programmation informatique. Elles offrent une double promesse. Aux employeurs, celle de leur fournir des profils bien formés, dans un domaine en constante évolution, et aux prises avec leurs besoins réels. Aux élèves, en leur garantissant un emploi à la sortie. Depuis le campus parisien initial, 42 écoles ont vu le jour dans 25 pays à travers le monde. A Lausanne, ce sont quatre entrepreneurs, Christophe Wagnière, aujourd’hui directeur de la structure, Alessandro Rui, Pierre-Antoine Barraillé, et ​Serge Reymond qui ont initié l’aventure en 2020. Basée à Renens, l’école a recruté 150 élèves pour sa première volée, 150 ont déjà postulé pour la nouvelle session de recrutement qui démarre à l’été 2022. Retour sur cette aventure avec Alessandro Rui.

Parlez-nous de votre offre de formation ?
42 Lausanne est une école d’informatique, gratuite et ouverte à tous, dès 18 ans, qui permet d’accéder à des stages en entreprise, débouchant la plupart du temps sur des embauches. Sa formation se compose de modules, dont un socle commun obligatoire avant les stages : si l’on est assidu, on peut faire le tour de ses premiers enseignements en un an et demi. Si l’on a déjà un emploi et que l’on fréquente l’école à temps partiel, et que l’on souhaite suivre et valider une vaste série de modules, la formation peut s’étaler sur plusieurs années. Les alumni peuvent revenir suivre des cours n’importe quand.
Deux étapes sont fondamentales : d’abord un test en ligne, obligatoire pour toute personne qui souhaite entrer à 42. Il permet de mesurer l’aisance et le goût pour la pensée algorithmique. Le taux de réussite est de 20%, et on ne peut refaire ce test qu’une fois un an après l’échec initial.
Ensuite démarre ce qu’on appelle « la piscine », période d’un mois durant laquelle toutes les personnes ayant réussi le test doivent traiter un volume considérable de tâches. Cette épreuve demande beaucoup d’autonomie, une grande assiduité, mais aussi la capacité à s’entraider. En général, seuls 30% des personnes ayant réussi le test en ligne parviennent à bout de la piscine.
Puis démarre un module commun d’apprentissages sans professeur, sur site, où l’entraide est fondamentale. D’abord en peer-to-peer learning, les apprentissages sont validés ensuite par des tests en solo que l’on peut refaire autant de fois que désiré. Certaines validations exigent la coopération avec d’autres élèves : on ne peut pas évoluer à 42 sans interactions avec ses pairs. Une fois ce module commun validé, s’ouvre la possibilité de partir en stage ou bien de poursuivre des modules spécifiques (jeux vidéo, cybersécurité). A 42 Paris, après leur premier stage en entreprise, 100% des élèves sortant de l’école sont embauchés, 89% en CDI.

En quoi change-elle la donne?
Tout le monde peut postuler pour le premier test en ligne, quel que soit son bagage professionnel ou scolaire, il suffit d’avoir 18 ans. A Paris, 40% des candidats n’ont pas le baccalauréat. Les cours sont 100% gratuits pour l’étudiant. Contrairement à une école traditionnelle, il n’y a pas d’horaires ni de professeurs. Le secteur étant en évolution permanente, les modules et les défis à réaliser viennent en fait directement de besoins concrets rencontrés par nos entreprises partenaires, qui sont ensuite validés et redistribués pour l’ensemble du réseau des campus 42, si cela fait sens. Les corrections sont apportées par la machine elle-même qui n’indique que si le code est juste ou pas. A l’élève de trouver son erreur avec l’aide de ses pairs ; la culture positive de l’échec est absolument centrale à 42. A chacun son rythme pour progresser, pour recommencer. C’est comme dans un jeu vidéo : il y a des niveaux à passer, on retente jusqu’à ce qu’on y arrive. Enfin, on ne sort pas de 42 avec un diplôme, mais avec un stage, qui débouche dans la majorité des cas sur un emploi.
 
Pourquoi avez-vous décidé d'ouvrir l’école en Suisse et dans le Canton de Vaud en particulier ?
D’abord car nous sommes conscients de la difficulté à recruter. En Suisse comme ailleurs, il y un assèchement évident du marché dans le secteur de la programmation informatique. Les besoins explosent et avec la digitalisation tout comme l’essor des start-ups actives dans ce domaine, ils ne feront que grandir. Et l’offre de formation existante ne suffit pas à y répondre.
Nous avons un temps envisagé de nous installer à Lausanne avant de venir à Renens, dans le bâtiment de la Fondation Inartis, active dans la promotion de l’innovation et avec qui nous partageons beaucoup de valeurs et d’intérêts. La région lausannoise était centrale pour être à une heure de toute la suisse romande. Le lieu, au cœur des anciens ateliers de Renens, en pleine reconversion, est parfait : il permet des interactions avec nombre de start-ups et d’entreprises alentours. Et avec la modernisation de la gare CFF, le quartier est en pleine transition et modernisation.
 
Comment avez-vous été soutenus par Innovaud?
Pour naître nous avons dû lever des fonds auprès de différentes entreprises, PME comme grands groupes. Nous avions besoin de 7,1 millions de francs, mais nous nous sommes fixés comme objectif de réunir 3 millions pour 2020, sans quoi, nous arrêterions les frais. Face à notre projet, Innovaud nous a immédiatement procuré une série d’adresses et de conseils précieux. C’était important sur deux plans : d’abord comprendre que notre démarche était possible, réaliste, faisable et qu’elle pouvait aboutir – un soulagement, quand on se lance dans une telle aventure. Ensuite, nous permettre de trouver plusieurs contacts pour certaines structures. Car parfois, il faut s’y prendre à deux ou trois fois avant de tomber sur la bonne personne ou le bon service. Aujourd’hui, nous recherchons encore 1,5 million de francs.
 
Cela fait maintenant deux ans que vous êtes dans le canton de Vaud. Quels avantages trouvez-vous à être présent en Suisse ?
Les interactions avec les autres acteurs, d’abord : clairement, celles-ci sont facilitées et rapides. Par exemple, nous lançons un projet pilote avec Romande Energie sur l’efficacité énergétique du codage très gourmand en énergie. Enfin la possibilité de grandir : clairement, l’idée serait de développer un campus 42 à Zurich, d’ici 2024 ou 2025.
 
Que prévoyez-vous pour le développement de vos activités dans le canton de Vaud et en Suisse ?
L’extension côté alémanique est prévue, mais pas au Tessin, où le bassin de population nous semble trop petit : il faut au moins 100 élèves par année pour que la dynamique de l’école puisse prendre. Notre objectif c’est que 42 Lausanne, en plus d’être un lieu de formation reconnu deviennent un des épicentres dans l’écosystème du codage, un lieu d’échange et de rencontres. Enfin, nous cherchons à féminiser nos recrues, c’est un travail de fond pour lequel nous aimerions développer des partenariats locaux.


Locaux 42 Lausanne à Renens


Alessandro Rui - Membre du comité de 42 Lausanne