Comment votre catalyseur contribue-t-il à atteindre l'objectif de développement durable des Nations Unies visant à réduire de moitié le gaspillage alimentaire d’ici 2030 ?
Notre technologie transforme une grande partie des déchets issus de l'agriculture et de la transformation des aliments en composés nécessaires à d'autres processus de production - soit pour créer des produits spécialisés pour l'industrie alimentaire, soit pour servir d’ingrédients pour l'alimentation du bétail ou la nutrition animale. La lignocellulose représente actuellement une grande partie des déchets de la biomasse et constitue une ressource alimentaire sous-utilisée. Avec notre catalyseur, les polymères de lignocellulose sont convertis en oligomères nutritionnels fonctionnels qui offrent un grand potentiel dans un certain nombre d'applications. L'idée d'Embion est de récupérer et de réutiliser les matières premières existantes et de contribuer ainsi à préserver les ressources naturelles de la Terre. Plus précisément, nous extrayons de nouveaux composés à partir des déchets de l'industrie alimentaire, que les industriels peuvent ensuite utiliser pour répondre à la demande des consommateurs en produits nutritionnels qui contribuent également à des systèmes alimentaires durables.
Quelles sont les principales applications de votre technologie ?
Un facteur clé dans la décision de créer notre entreprise a été la traction que nous avons constatée dans l'industrie alimentaire. Tout au long de la chaîne de valeur, les entreprises sont à la recherche de technologies comme la nôtre pour rendre leurs processus plus durables. Notre premier produit, PREMBION, est fabriqué à partir de drêches (des résidus de brassage) issues de la production de bière et transformées en ingrédients destinés principalement à l'alimentation animale, mais dans un futur proche aussi à l'alimentation et aux boissons, aux cosmétiques et à certains produits pharmaceutiques. Il convient de souligner que nos catalyseurs sont conçus comme une plateforme technologique ; en ce sens qu'ils peuvent servir de base au développement de processus personnalisés ciblant différentes molécules et composés organiques ainsi que des utilisations finales.
Notre business model est basé sur la vente de notre produit - c'est-à-dire notre catalyseur plateforme - ainsi que sur les licences d'utilisation de notre technologie. Les grandes multinationales de l'industrie alimentaire sont davantage intéressées par l'octroi de ces licences, car elles disposent déjà de déchets de biomasse provenant de leurs propres activités. Ce qu'elles recherchent, ce sont des moyens de créer davantage de valeur à partir de ces sources de déchets. En revanche, les acteurs plus modestes ont tendance à nous contacter pour des applications spécialisées plus spécifiques et à forte valeur ajoutée, et nous les accompagnons dans le développement de ces applications jusqu'à l'industrialisation.
Quels avantages voyez-vous à être basé dans le canton de Vaud ?
Dès nos débuts, notre ancrage dans la région nous a permis d'établir facilement des contacts dans l'industrie alimentaire, notamment avec des entreprises de transformation alimentaire et des fournisseurs d'arômes et de parfums. Cela nous a permis d'affiner notre proposition de valeur et de nous assurer que ce que nous développions était effectivement adapté au marché. Nous avons ensuite déposé plusieurs brevets pour protéger notre technologie et pris contact avec Innovaud pour connaître les différents programmes de financement vaudois. Nous avons ainsi obtenu un prêt de la FIT qui a ensuite ouvert la voie à un financement nettement plus important de la part d'Innosuisse ; et nous avons également reçu un financement non dilutif de Venture Kick.
Mais au-delà de l'aspect financier, nous avons constaté que cette région offre aux entrepreneurs un soutien important : du coaching, des opportunités de réseautage et des événements pour accroître la visibilité. De plus, l'écosystème R&D de l'EPFL est une excellente ressource grâce aux nombreuses synergies avec notre type d'activité. Avant de décider de nous installer dans le canton de Vaud, nous avons effectué des recherches sur d'autres pôles d'innovation en Suisse et ailleurs. Ce qui a fait pencher la balance, c'est l'ensemble de l'écosystème ici, qui est centré sur l'EPFL, mais qui comprend également une multitude de startups et de grandes entreprises de haute technologie. Cela apporte des avantages tangibles et substantiels aux jeunes entreprises comme la nôtre.
Quels sont vos prochains projets de développement commercial sur le plan vaudois et international ?
Nous étudions actuellement la possibilité d'étendre nos installations de production, ce que nous ferons sans doute ici, au niveau local. Nous voulons conserver la propriété intellectuelle et la technologie de base de notre entreprise en Suisse, au plus près de l'endroit où elles ont été développées. En ce qui concerne nos effectifs, nous sommes en train d'étoffer nos équipes de développement commercial et d'exploitation ; et nous avons récemment embauché un nouveau chef des opérations qui possède une expérience notable dans l'industrie alimentaire. Nous prévoyons également de nous étendre géographiquement et d'établir une présence régionale sur de grands marchés tels que l'Asie et les États-Unis. Nous venons de conclure un tour de financement de série A mené par Asahi, une grande brasserie japonaise, et nous recrutons des employés pour notre premier bureau international en Amérique du Nord.
Y a-t-il des défis professionnels qui vous empêchent de dormir la nuit ?
Ce qu'Embion propose est une technologie révolutionnaire que le secteur n'a jamais vue auparavant. Et c'est une arme à double tranchant : d'une part, cela apporte une multitude de nouvelles opportunités, mais d'autre part, cela demande beaucoup plus d'efforts pour éduquer nos clients sur les avantages de notre plateforme technologique et sur la façon dont elle peut être mise en œuvre. Sans compter les défis auxquels est confrontée toute entreprise en phase de démarrage pour développer ses opérations et s'assurer que sa capacité est en phase avec le développement de ses activités. Mais je dirais qu'en fin de compte, tout se résume à avoir les bonnes personnes, avec les bonnes compétences et le bon état d'esprit, pour travailler ensemble et atteindre notre objectif ultime de lutte contre le gaspillage alimentaire.